Hommage national à Samuel Paty : le discours
d’Emmanuel Macron
Dans ses premier mots à la tribune, visiblement ému,
Emmanuel Macron adopte un ton martial, rappelant aussi que des mesures ont déjà
été prises ces derniers jours. "Je n'aurai pas de
mot pour évoquer la lutte contre l'islamisme politique, radical. Les mots, je
les ai eus. Le mal, je l'ai nommé. Les actions, nous les avons décidées. Je ne
parlerai pas du cortège de terroristes, de leurs complices et des lâches qui
ont rendu possible cet attentat. Je ne parlerai pas de ceux qui ont livré son
nom aux barbares. De nom, eux, n'en ont même plus. Je ne parlerai pas de
l'indispensable unité que tous les Français ressentent. Elle est précieuse et
oblige tous les responsables à s'exprimer avec justesse." "Ce soir,
je veux parler de votre fils, je veux parler de votre frère, de votre oncle, de
celui que vous avez aimé. De ton père. Ce soir, je veux parler de votre
collègue, de votre professeur, tombé parce qu'il avait fait le choix
d'enseigner. Assassiné parce qu'il avait décidé d'apprendre à ses élèves à
devenir citoyen. Apprendre les devoirs pour les remplir. Apprendre les libertés
pour les exercer. Ce soir, je veux vous parler de Samuel Paty", explique
Emmanuel Macron à la tribune en dressant le portrait du jeune professeur
assassiné. "Samuel Paty aimait passionnément
enseigner, et il le fit si bien", rend hommage le chef de l'État à Samuel
Paty. "Samuel Paty incarnait au fond ce professeur dont rêvait Jaurès dans
cette lettre aux instituteurs", reprend le chef de l'État en s'appuyant
sur la lettre lue plus tôt durant la cérémonie. "Nous avons tous ancré
dans nos cœurs, dans nos mémoires, le souvenir d'un professeur qui a changé le
cours de notre existence. Vous savez, cet instituteur qui nous a appris à lire,
à compter, à nous faire confiance. Cet enseignant qui ne nous a pas seulement
un savoir, mais nous a ouvert un chemin, un livre, un regard, un instant passé
par cette considération, Samuel Paty était de ces professeurs que l'on oublie
pas", déclame Emmanuel Macron à la tribune. https://www.lepoint.fr/societe/en-dir...
Cérémonie d'hommage national à Samuel Paty à la Sorbonne.
Depuis la cour de la Sorbonne, lieu historique de l'enseignement universitaire français, le président de la République Emmanuel Macron a rendu un hommage national au professeur Samuel Paty.
(Re)voir la cérémonie :
LE DISCOURS
Mesdames, Messieurs,
Ce soir je n’aurai pas de mots pour évoquer la lutte contre l’islamisme
politique, radical, qui mène jusqu’au terrorisme. Les mots, je les ai eus. Le
mal, je l’ai nommé. Les actions, nous les avons décidées, nous
les avons durcies, nous les mènerons jusqu’au bout.
Ce soir, je ne parlerai pas du cortège de terroristes, de leurs
complices et de tous les lâches qui ont commis et rendu possible cet attentat.
Je ne parlerai pas de ceux qui ont livré son nom aux barbares, ils ne le
méritent pas. De noms, eux n’en n’ont même plus. Ce soir, je ne parlerai pas
davantage de l’indispensable unité que toutes les Françaises et tous les
Français ressentent. Elle est précieuse et oblige tous les responsables à
s’exprimer avec justesse et à agir avec exigence. Non.
Ce soir, je veux parler de votre fils, je veux parler de votre
frère, de votre oncle, de celui que vous avez aimé, de ton père. Ce soir, je
veux parler de votre collègue, de votre professeur tombé parce qu’il avait fait
le choix d’enseigner, assassiné parce qu’il avait décidé d’apprendre à ses
élèves à devenir citoyens. Apprendre les devoirs pour les remplir. Apprendre
les libertés pour les exercer. Ce soir, je veux vous parler de Samuel PATY.
Samuel
PATY aimait les livres, le savoir, plus que tout. Son appartement était une
bibliothèque. Ses plus beaux cadeaux, des livres pour apprendre. Il aimait les
livres pour transmettre, à ses élèves comme à ses proches, la passion de la
connaissance, le goût de la liberté. Après avoir étudié l’Histoire à Lyon et avoir
envisagé de devenir chercheur, il avait emprunté la voie tracée par vous, ses
parents, instituteur et directeur d’école à Moulins, en devenant « chercheur en
pédagogie » comme il aimait à se définir, en devenant professeur. Aussi ne pouvait-on
trouver meilleur endroit que la Sorbonne, notre lieu de savoir universel depuis
plus de huit siècles, le lieu de l’humanisme, pour que la nation puisse lui
rendre cet hommage.
Samuel
PATY aimait passionnément enseigner et il le fit si bien dans plusieurs
collèges et lycées jusqu’à celui de Conflans-Saint-Honorine. Nous avons tous
ancré dans nos cœurs, dans nos mémoires le souvenir d’un professeur qui a
changé le cours de notre existence. Vous savez, cet instituteur qui nous a
appris à lire, à compter, à nous faire confiance. Cet enseignant qui ne nous a
pas seulement appris un savoir mais nous a ouvert un chemin par un livre, un
regard, par sa considération.
Samuel PATY était de ceux-là, de ces professeurs que l’on n’oublie
pas, de ces passionnés capables de passer des nuits à apprendre l’histoire des
religions pour mieux comprendre ses élèves, leurs croyances. De ces humbles qui
se remettaient mille fois en question, comme pour ce cours sur la liberté
d’expression et la liberté de conscience qu’il préparait depuis juillet encore
l’été dernier à Moulins à vos côtés et des doutes qu’il partageait par
exigence, par délicatesse.
Samuel PATY incarnait au fond le professeur dont rêvait JAURÈS
dans cette lettre aux instituteurs qui vient d’être lu : « la fermeté unie à la
tendresse ». Celui qui montre la grandeur de la pensée, enseigne le respect,
donne à voir ce qu’est la civilisation.
Celui qui s’était donné pour tâche de « faire des républicains ».
Alors, reviennent comme en écho les mots de Ferdinand BUISSON «
Pour faire un républicain, écrivait-il, il faut prendre l’être humain si petit
et si humble qu’il soit […] et lui donner l’idée qu’il faut penser par
lui-même, qu’il ne doit ni foi, ni obéissance à personne, que c’est à lui de
chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d’un maître, d’un
directeur, d’un chef, quel qu’il soit » « Faire des républicains », c’était le
combat de Samuel PATY.
Et si cette tâche aujourd’hui peut paraître titanesque, notamment
là où la violence, l’intimidation, parfois la résignation prennent le dessus,
elle est plus essentielle, plus actuelle, que jamais. Ici,
en France, nous aimons notre Nation, sa géographie, ses paysages et son
histoire, sa culture et ses métamorphoses, son esprit et son cœur. Et nous
voulons l’enseigner à tous nos enfants.
Ici,
en France, nous aimons le projet tout à la fois terrien et universel que porte
la République, son ordre et ses promesses. Chaque jour recommencer. Alors, oui,
dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous redonnerons aux
professeurs le pouvoir de « faire des républicains », la place et l’autorité
qui leur reviennent. Nous les formerons, les considérerons comme il se doit,
nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra. Dans
l’école comme hors de l’école, les pressions, l’abus d’ignorance et
d’obéissance que certains voudraient instaurer n’ont pas leur place chez nous.
« Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose » avait-il dit un
jour. Comme par prescience.
Alors,
pourquoi Samuel fut-il tué ? Pourquoi ? Vendredi soir, j’ai d’abord cru à la folie aléatoire, à
l’arbitraire absurde : une victime de plus du terrorisme gratuit. Après tout,
il n’était pas la cible principale des islamistes, il ne faisait qu’enseigner.
Il n’était pas l’ennemi de la religion dont ils se servent, il avait lu le
Coran, il respectait ses élèves, quelles que soient leurs croyances, il
s’intéressait à la civilisation musulmane.
Non,
tout au contraire, Samuel PATY fut tué précisément pour tout cela. Parce qu’il incarnait la
République qui renaît chaque jour dans les salles de classes, la liberté qui se
transmet et se perpétue à l’école.
Samuel PATY fut tué parce que les islamistes veulent notre futur
et qu’ils savent qu’avec des héros tranquilles tels que lui, ils ne l’auront
jamais. Eux séparent les fidèles, des mécréants.
Samuel PATY ne connaissait que des citoyens. Eux se repaissent de
l’ignorance. Lui croyait dans le savoir. Eux cultivent la haine de l’autre. Lui
voulait sans cesse en voir le visage, découvrir les richesses de l’altérité.
Samuel PATY fut la victime de la conspiration funeste de la
bêtise, du mensonge, de l’amalgame, de la haine de l’autre, de la haine de ce
que profondément, existentiellement, nous sommes.
Samuel PATY est devenu vendredi le visage de la République, de
notre volonté de briser les terroristes, de réduire les islamistes, de vivre
comme une communauté de citoyens libres dans notre pays, le visage de notre
détermination à comprendre, à apprendre, à continuer d’enseigner, à être
libres, car nous continuerons, professeur.
Nous défendrons la liberté que vous enseigniez si bien et nous
porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux
dessins, même si d’autres reculent. Nous offrirons toutes les chances que la
République doit à toute sa jeunesse sans discrimination aucune.
Nous
continuerons, professeur. Avec tous les instituteurs et professeurs de France,
nous enseignerons l’Histoire, ses gloires comme ses vicissitudes. Nous ferons découvrir la
littérature, la musique, toutes les œuvres de l’âme et de l’esprit. Nous
aimerons de toutes nos forces le débat, les arguments raisonnables, les
persuasions aimables. Nous aimerons la science et ses controverses. Comme vous,
nous cultiverons la tolérance. Comme vous, nous chercherons à comprendre, sans
relâche, et à comprendre encore davantage cela qu’on voudrait éloigner de nous.
Nous apprendrons l’humour, la distance. Nous rappellerons que nos libertés ne
tiennent que par la fin de la haine et de la violence, par le respect de
l’autre.
Nous continuerons, professeur. Et tout au long de leur vie, les
centaines de jeunes gens que vous avez formés exerceront cet esprit critique
que vous leur avez appris. Peut-être certains d’entre-eux
deviendront-ils enseignants à leur tour. Alors, ils formeront des jeunes
citoyens. À leur tour, ils feront aimer la République. Ils feront comprendre
notre nation, nos valeurs, notre Europe dans une chaîne des temps qui ne
s’arrêtera pas.
Nous
continuerons, oui, ce combat pour la liberté et pour la raison dont vous êtes
désormais le visage parce que nous vous le devons, parce que nous nous le
devons, parce qu’en France, professeur, les Lumières ne s’éteignent jamais. Vive la République. Vive
la France.